Moi, Ça et Surmoi
Vous avez dit topiques ?
De la première topique freudienne à la seconde :
Sigmund Freud a élaboré deux conceptions de l'appareil psychique que l'on nomme topiques. Le terme "topique" vient du grec topos qui signifie "lieu". En effet, il s'agissait pour Freud d'expliquer le fonctionnement mental humain en situant concrètement et visuellement ses divers constituants psychiques, leurs interactions et leurs fonctions.
En 1900, dans "l'interprétation des rêves" (chapitre VII), Freud expose sa théorie de la première
topique en divisant l'appareil psychique en trois systèmes : Conscient, Préconscient et Inconscient. Ces trois régions de l'appareil psychique ont leurs propres caractéristiques, leur fonctionnement et leurs modes d'interaction. Entre chaque
lieu, Freud décrit des censures ou frontières qui inhibent et contrôlent le passage de l'un à l'autre.
A partir de 1920, Freud complète et enrichit cette première conception avec la seconde topique. Ainsi, après avoir décrit les systèmes en jeu, Freud propose une cartographie des grandes instances psychiques qui opèrent en chacun de nous et forment notre personnalité.
Définition de la deuxième topique Freudienne
Les trois grandes instances de l'appareil psychique :
A partir de la découverte de l'importance des diverses identifications dans la formation de la personnalité, Freud déploie une théorie où trois instances psychiques interviennent avec leurs spécificités. Cette approche tendrait à décrire la manière dont le sujet se construit et se conçoit lui-même.
Le Ça ou le grand réservoir des pulsions
Le ça ( en anglais Id) est le lieu des pulsions, notamment de la libido ( énergie vitale qui englobe nos désirs, nos envies, nos pulsions de vie. De manière générale désigne et notre activité sexuelle concrète et imaginaire). Le ça ignore les jugements de valeurs, la morale, le bien ou le mal. Son fonctionnement est régi par le principe de plaisir, il n'a que faire du principe de réalité. Il pousse à la jouissance outrepassant le principe de plaisir et défiant les interdits.
On entend par principe de plaisir, le fait que les pulsions ne cherchent qu'à s'écouler par les voies les plus courtes. Ainsi, l'ensemble de l'organisation psychique tend, par le principe de plaisir, à éviter le déplaisir (augmentation de l'excitation pulsionnelle) et procurer du plaisir (réduction de la quantité d'excitation et apaisement) . Il s'agit donc là d'un fonctionnement économique d'auto-régulation des excitations quand bien même certaines tensions peuvent être agréables. Les pulsions feraient progressivement l’apprentissage de la réalité qui seul leur permet, à travers les détours et les ajournements nécessaires, d’atteindre la satisfaction recherchée.
Au début de la vie, le Ça est la première instance, avant l'apparition de la conscience de soi. C'est donc une instance archaïque d'où découlent les autres instances. Pour expliquer simplement, Freud écrit : « Le Moi représente ce qu'on appelle la raison et la sagesse, le Ça, au contraire,est dominé par les passions. »
Du fait de cette logique de satisfaction immédiate du plaisir qui n'a que faire du temps ou de la réalité, le ça entre en conflit avec les autres instances psychiques que sont le moi et le surmoi.
"C’est la partie la plus obscure, la plus impénétrable de notre personnalité. [Lieu de] Chaos, marmite pleine d’émotions bouillonnantes. Il s’emplit d’énergie, à partir des pulsions, mais sans témoigner d’aucune organisation, d’aucune volonté générale; il tend seulement à satisfaire les besoins pulsionnels, en se conformant au principe de plaisir. Le ça ne connaît et ne supporte pas la contradiction. On y trouve aucun signe d’écoulement du temps."
Sigmund Freud
Le Moi, la pauvre créature qui doit servir trois maîtres
Le Moi (en anglais Ego) est une partie du ça qui a subi une différenciation particulière en étant au contact avec la réalité extérieure . C'est l'instance psychique à laquelle se rattache la conscience et c'est lui qui communique avec le monde extérieur. Son rôle est de préserver l'équilibre psychique du sujet en s'adaptant aux contraintes de la réalité extérieure. Une partie du Moi accède à la conscience alors qu' une autre partie est infiltrée par l'inconscient du fait des ressentis internes. Le moi est donc à la fois conscient et inconscient.
C'est le Moi qui contrôle et exerce un droit de censure notamment sur les rêves. Il participe à la mise en œuvre du mécanisme de refoulement qui permet de maintenir dans l'inconscient ce qui le dérange. En effet , le Moi s'efforce de substituer le principe de la réalité au principe du plaisir qui seul affirme son pouvoir dans le Ça. Le principe de réalité est associé au principe de plaisir qu'il vient réguler. De ce fait, il tend à ajourner la satisfaction immédiate du plaisir en lui proposant des voies moins courtes en adéquation avec la réalité extérieure. D'un point vue économique, le principe de réalité transforme l'énergie pulsionnelle libre (processus primaires) en énergie liée (processus secondaire).
Ainsi, dans la théorie psychanalytique, la notion de principe de plaisir est donc toujours couplée à celle de principe de réalité. Toutefois, il apparaît qu'ils peuvent être en contradiction, notamment dans le rêve qui vise à l'accomplissement d'un désir inconscient et qui répond à une toute autre logique.
"Le Moi n'est pas maître dans sa propre maison" et Freud le définit comme une "pauvre créature" qui souffre car elle subit « la menace de trois dangers, de la part du monde extérieur, de la libido du ça et de la sévérité du surmoi ".
Ce tiraillement du Moi, compte tenu de son rôle de médiateur, fait de lui le lieu de l'angoisse quand il est débordé et de la culpabilité quand il échoue dans sa mission.
Le symptôme est alors considéré comme l'expression d'un compromis entre des désirs, des défenses et des interdits contradictoires (exemple : conflit psychique
entre des désirs du ça et des exigences morales opposées).
Ainsi, pour la psychanalyse, le symptôme a une signification qu'il s'agit de déchiffrer pour s'en affranchir. C'est par ce travail de mise en lien et de recherche du sens, que le patient analysé pourra sortir de l'infernale répétition de son symptôme et éviter qu'il ne se déplace.
"Un adage nous déconseille de servir deux maîtres à la fois. Pour le pauvre moi la chose est bien pire, il a à servir trois maîtres sévères et s'efforce de mettre de l'harmonie dans leurs exigences. Celles-ci sont toujours contradictoires et il paraît souvent impossible de les concilier ; rien d'étonnant dès lors à ce que souvent le moi échoue dans sa mission. Les trois despotes sont le monde extérieur, le surmoi et le ça."
S. Freud, La décomposition de la personnalité psychique,
in Nouvelles conférences sur la psychanalyse, 1936
« Les désirs qui n’ont jamais surgi hors du Ça, de même que les impressions qui y sont restées enfouies par suite du refoulement, sont virtuellement impérissables et se retrouvent, tels qu’ils étaient, au bout de longues années. Seul, le travail analytique, en les rendant conscients, peut parvenir à les situer dans le passé et à les priver de leur charge énergétique; c’est justement de ce résultat que dépend, en partie, l’effet thérapeutique du traitement analytique. »
S.Freud,
Nouvelles conférences de psychanalyse.
Le Surmoi, Juge Suprême
Le Sur-Moi (en anglais Super-Ego) est une entité à part entière à l'intérieur du Moi. Il est l'héritier des interdits et des normes parentaux. Il est également le descendant du Surmoi de nos parents. C'est la Loi intérieure qui dicte ce qui est bien ou mal. Sévèrement voire même cruellement, il juge, censure et punit le Moi aux prises avec les exigences pulsionnelles du ça.
En venant contrer le ça, le Surmoi joue également un rôle protecteur de l'équilibre psychique et de prise en compte d'autrui. C'est cette petite voix qui résonne et nous dit qu'il ne faut pas ou que l'on doit.
Le Surmoi ouvre la voie vers un Idéal que le sujet s'efforce de rattraper. Cependant, un Surmoi trop fort peut se transformer en bourreau qui fait souffrir. Il devient alors générateur d'un fort sentiment de culpabilité et de dépréciation de soi.
Le travail de la cure psychanalytique, par la mise en mots et la compréhension de soi-même, peut alors permettre d'en adoucir
les contours.
"Le surmoi sévère ne perd pas de vue le Moi et, indifférent aux difficultés opposées par le ça et le monde extérieur, lui impose les règles déterminées de son comportement. S'il vient à désobéir au surmoi, il en est puni par de pénibles sentiments d'infériorité et de culpabilité. Le moi ainsi pressé par le ça, opprimé par le surmoi, repoussé par la réalité, lutte pour accomplir sa tâche économique, rétablir l'harmonie entre les diverses forces et influences qui agissent en et sur lui : nous comprenons ainsi pourquoi nous sommes souvent forcés de nous écrier : "Ah, la vie n'est pas facile !" "
S. Freud, in La décomposition de la personnalité psychique,
L'Idéal du moi, un agglomérat d'identifications
Au départ, Freud ne fait pas de distinguo entre Surmoi et Idéal du moi. Puis, ses études sur le narcissisme, l’emmèneront à préciser cette notion. L'Idéal du moi est l'instance qui fait converger les identifications aux parents et le narcissisme (idéalisation du moi nommée Moi idéal).
En effet, l'idéal du moi d'une personne est un assemblage, un patchwork de modèles pris au départ dans l'environnement familial puis dans tous les environnements que le sujet peut côtoyer (amical, professionnel, culturel...). Il se construit donc, par identifications, à partir de relations d'objets, c'est-à-dire de personnes aimées et souvent idéalisées.
C'est un modèle auquel le sujet cherche à se conformer. Cette instance sert en partie les exigences du Surmoi en dictant au Moi les conduites à suivre pour réaliser ses attentes.
" Les effets des premières identifications, qui ont lieu au tout premier âge, garderont un caractère général et durable. Cela nous amène à la naissance de l'idéal du moi, car derrière se cache la première et la plus importante identification de l'individu : l'identification au père de la préhistoire personnelle. C’est une identification directe, immédiate, plus précoce que tout investissement d’objet."
S.Freud, Le moi et le sur-moi
in Le moi et le ça, 1923.